Hong Kong, le nouveau hub Ultra-contemporain

Hong Kong, le nouveau hub Ultra-contemporain

Depuis deux ou trois ans, les œuvres de très jeunes artistes contemporains atteignent des prix spectaculaires lors des ventes organisées à Hong Kong, grand pôle du Marché de l’Art Ultra-contemporain avec New York et Londres.

Hong Kong, dont le Marché de l’Art aux enchères était encore inexistant avant 2008, s’est imposée au fil des années comme l’un des principaux pôles pour le commerce d’œuvres d’art. Certains segments du Marché de l’Art y sont même devenus tout aussi dynamiques qu’à New York, notamment le segment le plus contemporain de la création.

Aujourd’hui, Hong Kong talonne New York dans le secteur, réalisant 39m$ au S1 2023 pour 239 œuvres ultra-contemporaines vendues, lorsqu’il faut 688 adjudications à New York pour obtenir deux petits millions supplémentaires. C’est que, désormais, les plus belles batailles d’enchères pour les jeunes artistes occidentaux se livrent à Hong Kong avant même New York, pourtant fief historique de ce marché.

Des trois centres de gravité du marché Ultra-contemporain, Hong Kong offre la meilleure résistance au ralentissement du marché haut de gamme. Son produit des ventes ne baisse que de -11% lorsqu’il chute de -42% aux États-Unis et de -52% au Royaume-Uni, car c’est de là que provient la majorité des adjudications millionnaires. Au cours du premier semestre 2023, Hong Kong enregistre sept adjudications millionnaires pour des artistes de moins de 40 ans, contre quatre à New York et deux à Londres.

Hong Kong devance allègrement les performances britanniques et se retrouve quasiment au même niveau que les États-Unis sur le segment Ultra-contemporain.

Hong Kong est une zone test pour introduire aux enchères les nouvelles étoiles de la peinture occidentale, à l’image de Camilla ENGSTROM. Cette artiste de 34 ans, qui doit la genèse de sa grande popularité à Instagram (plus de 120.000 followers aujourd’hui), est exposée par la galerie allemande Koenig en 2022 tandis que Christie’s l’introduit aux enchères via son antenne hongkongaise. Elle obtient presque 73.000$ pour la toile Love Tastes Delicious (2020), contre une estimation haute affichant 15.000$. Cette flambée immédiate révèle au passage le goût des collectionneurs asiatiques pour des peintures vives aux accents surréalistes. Au printemps 2023, Phillips adopte la même stratégie en choisissant Hong Kong pour vendre Purple Lake (2020): un peu plus petite que la peinture de Christie’s, elle atteint 48.500$, contre une estimation haute fournie à 19.000$.

Camilla ENGSTROM est loin d’être un cas isolé. Les sur-performances des jeunes depuis Hong Kong se multiplient depuis deux ans. Cette année, au cours du premier semestre 2023, les résultats millionnaires sont venus récompenser deux œuvres de Matthew WONG (River at Dusk vendue 6,6m$ et The Road vendue 4,6m$), une d’Avery SINGER (Untitled, 4m$), de LIANG Hao (Theology and Evolution, 3,1m$), de Loie HOLLOWELL (Standing in Red, 2,29m$), de Lucy BULL (Thin Skin, 1,2m$) et enfin une de Jadé FADOJUTIMI (Let’s Curl Up Inside My Collar, 1,1m$).

Les œuvres les mieux valorisées des ventes hongkongaises sont majoritairement des créations d’artistes non asiatiques. En tête de liste cette année, on retrouve Matthew WONG, Avery SINGER, Loie HOLLOWELL, Lucy BULL et Jadé FADOJUTIMI, tous auréolés de résultats millionnaires.

Les succès obtenus à Hong Kong ne sont pas toujours corrélés avec ceux de New York. Exemple avec Louise BONNET, artiste suisse installée à Los Angeles, dont le travail est inclus dans l’exposition sur le surréalisme de la Biennale de Venise 2022 (The Milk of Dreams) et exposé chez Gagosian Hong Kong en parallèle. De tels coups de projecteurs font flamber le prix d’une de ses toiles au mois d’avril 2022: 722.000$ obtenus chez Sotheby’s Hong Kong pour The Ice Skater, contre une estimation haute à 57.000$. Cependant, Sotheby’s essuie un échec de vente quelques mois plus tard depuis New York pour une autre œuvre attendue dans cette gamme de prix. Aujourd’hui, bien que quatre lots de Louise BONNET aient dépassé les 600.000$ à Hong Kong, où quelques puissants collectionneurs sont partisans de l’achat à tout prix, l’artiste plafonne à 403.000$ dans ses ventes new-yorkaises.

Hong Kong n’a plus seulement un rôle d’accélérateur pour les “prodiges” de l’art occidental, elle devient le lieu des emballements les plus vifs. Les asiatiques sont d’ailleurs de si bons clients que Phillips, Sotheby’s et Christie’s poursuivent d’ambitieuses stratégies de développement sur place. Sotheby’s prévoit d’y ouvrir un nouveau siège ainsi qu’un espace d’exposition et une salle des ventes. Christie’s ouvrira dans quelques mois son nouveau siège hongkongais, comparable en taille à son siège social de Londres, dans un immeuble conçu par le cabinet d’architectes de Zaha Hadid. De son côté, la maison Phillips y a inauguré son nouveau siège conçu par Herzog & de Meuron en mars 2023, abritant une salle des ventes, des espaces d’exposition, des bureaux, un café et un salon VIP. Les trois sociétés concentrent une grande partie de leurs efforts sur Hong Kong, dans le but d’élargir leur offre auprès d’une clientèle asiatique très en demande.

Distribution géographique du produit des ventes aux enchères d’Art Ultra-contemporain (S1 2023)

Distribution géographique du produit des ventes aux enchères d’Art Ultra-contemporain (S1 2023)